Le soir, soleil couchant, de drôles d'insectes se faisaient entendre.. crissement incessant de bestioles et ce toute la nuit.. je me suis jamais risqué d'aller rencontrer ces noctambules bizarres aux allures de fêtards dans les broussailles.. la nuit, tout était sombre ici. L'électricité était chose rare en ces lieux. Des cris lointains se faisaient entendre mêlés de formes traversant en courant ce dédale de rues. Comme des fantômes.. moi-même devenant une ombre marchant vers je ne sais où. Des baraques disséminées au coin des ruelles comme des points de halte pour aventuriers. Des bruits sourds semblaient être portés par la sécheresse, comme un appel.. comme une détresse.. "les bars à putes". Etonnament surprenant là où le monde ne semble plus exister elles étaient là à attendre " le client ".. les puTes. Maquillées à outrance. Des filles vêtues d'une époque que je n'ai pas connu. Poussant l'entrée en empruntant une porte défoncée tenue par des vis rouillées, se trouvait une pièce étranglée entre quatre murs.. une planche en bois posée sur des meubles n'ayant rien à envier à un architecte d'intérieur et servant de bar. Dans un recoin, se tenait un jukebox à l'origine yankee.. semble t il.. s'il pouvait parler.
Les chansons étaient francaises. Le ton était donné entre Claude Francois et Edith Piaf.. que je connaissais pas non plus. Dans mon quartier le rap voyait le jour.. alors Piaf. Cet endroit très cauchemardesque ressemblait à rien. Vide de présence sauf les putes.. éclairés de lumière bleue et rouge comme un attrape nigaud, nous étions malgrè nous devenus moustiques tournoyant sous ces mêmes lumières sans réel avenir sauf celui de se faire brûler. J'avais commandé (et le mot est grand) une boisson à cette présence féminine que je n'avais pas remarqué. Le ton rouge envahissant la pièce cachait la noire aux lèvres outrageusement peintes. Un Whisky artisanal mêlé d'un jus arômatisé style coca pensais je en tenant mon verre comme pour me réchauffer. Je crois qu'à un moment je suis tombé sur un banc abasourdi par cette ambiance glauque et où Edith criait de plus en plus fort.
J'me posais la question de savoir qui m'avait entrainé dans ce trou à rats et pourquoi j'étais là à me faire dévisager par ces femmes noires. Bien qu'aucune d'entres-elles ne ressemblaient à un de mes flirts, à mon tour je dévisageais stupéfait ces formes triplement clonées qui s'esclaffaient en une langue de merde. Mal assuré, je tombais à terre cette fois-çi. Le sol était dur et l'odeur qui s'en dégageait à vomir. Dans un effort surhumain, je tentais tant bien que mal de redresser cette carcasse seule et désemparée. En une fraction de secondes un doux parfum envahissait ce taudis; le visage de cette femme me vînt brusquement à l'esprit.. cette femme si belle, si aimante que mes lèvres avaient approché à plusieurs reprises quand j'étais enfant. Posant ma tête contre ses seins comme pour me réchauffer de mes peurs.. ma mère, celle que j'avais laissé derrière moi, là-bas, loin, très loin.. je ne savais plus quelle route emprunter pour revenir vers elle et quel océan traverser pour l'embrasser. J'avais perdu la notion du temps. J'étais saoul en fait. (il était une fois en afrique de l'Est)